Le vendredi 29 mars
2024, le député Pawindé Édouard SAVADOGO a interpellé le gouvernement sur "l'abandon progressif de la semence paysanne au profit des semences hybrides et transgéniques", l'introduction de ces
semences par les multinationales ainsi que l'encadrement juridique y relatif. L’inquiétude qui se cache derrière cette interpellation, réside dans la perte non seulement de la biodiversité mais
aussi des semences paysannes, gage des savoirs et savoirs faire locaux et de la souveraineté alimentaire.
L’article de Cryspin Laoundiki intitule "Burkina /
Consommation des OGM : « Lorsque quelqu’un mange, nous devons plutôt lui dire bonne chance », dixit le Pr Adjima Thiombiano " fait échos des
débats tenus le vendredi dernier à l’Assemblée législative de transition (ALT) sur les semences paysannes, semences améliorées et OGM. Et enrichit cette discussion, en présentant la position de
la recherche sur ces questions.
1. Définitions
Les variétés dites améliorées ou industrielles sont des variétés créées dans des stations de recherche; les catégories les plus fréquentes sont la lignée et
l’hybride.
Une lignée est une variété homogène et stable au fils des générations, composée de plantes identiques.
Un hybride provient de croisements des plusieurs (2 à 4) lignées.
Les variétés hybrides sont productives, mais, elles ont plusieurs problèmes :
• Les semences hybrides ne sont pas reproductibles; on ne peut cultiver que la première génération des hybrides, appelée la F1. Si on ressème les grains récoltés
sur les plantes hybrides F1, selon la pratique ancestrale, la génération suivante appelée la F2 va manifester la dégénérescence : baisse de la vigueur, de la productivité, la sensibilité aux
maladies et ravageurs. Ainsi les paysans doivent acheter les semences hybrides chaque année.
• Leurs semences sont très chères.
Les semences des variétés améliorées vendues aux paysans sont les semences certifies issues du système semencier formel.
Les semences OGM sont les semences développées et vendues par les firmes multinationales; ces semences sont obtenues en utilisant les méthodes du génie génétique
assurant le transfert de gènes entre les espèces très différentes qui ne se reproduisent pas normalement dans la nature.
Toutes les semences OGM sont brevetées, cela signifie qu’elles sont la propriété privée d’une firme ; les firmes dictent ses conditions aux paysans qui achètent
leurs semences :
- semences très chères,
- interdiction de ressemer les récoltes.
De nombreux faits se sont accumulés qui montrent que les cultures OGM ont un effet néfaste sur la biodiversité, l’environnement et la santé. Une publication
spéciale sera consacrée aux risques des OGM pour la santé.
On observe dans le monde une contamination croissante par pollinisation des cultures non OGM par les OGM.
Il y a une menace de vulgarisation du niébé OGM (niébé Bt) au Burkina Faso. L'Afrique de Ouest est le centre de domestication du niébé (et d’autres culture).
D’après le Protocole de Cartagena, la pièce maitresse de la législation internationale sur les OGM, les centres de domestication doivent être protégés de toute introduction des OGM pour éviter la
contamination des variétés locales.
Les variétés paysannes ou locales sont les variétés sélectionnées et cultivées par les paysans. Les variétés paysannes ont assuré la survie des communautés pendant
les années de bonne ou mauvaise pluviométrie.
Les paysans utilisent souvent le terme « semences paysannes » comme synonyme du terme « variétés paysannes », ce qui signifie pour eux « semences de nos variétés
paysannes », « semences sélectionnées par nous-même ». L’origine du terme semences paysannes vient des activités pratiquées par les paysans pendant la production de semences. Dans le système
semencier paysan, les deux activités, la sélection variétale et la production de semences ne sont pas séparées. Chaque année les paysans font la sélection sur la parcelle de production de
semences (qui est dans certains cas, la parcelle de production alimentaire). Il s’agit essentiellement de la sélection de type massale pratiquée au moment de la récolte.
2. Quelles sont les variétés performantes ?
L’objectif principal des programmes de recherche est le rendement; les variétés améliorées qu’ils proposent sont productives à condition qu’on utilise l’agriculture
intensive, basée sur la monoculture et l’application d’un paquet technologique :
• engrais chimiques,
• pesticides chimiques,
• irrigation,
• mécanisation.
Sans ce paquet technologique, les variétés améliorées ne marchent pas.
L’application du paquet technologique ne garantit pas les rendements durables des variétés améliorées : généralement, au bout de quelques années de culture, le sol
s’épuise et les rendements baissent. L’application des engrais chimiques ne suffit pas pour restituer l’humus du sol ; seule la fertilisation organique est capable de maintenir et restaurer
l’humus et la vie du sol.
L'utilisation des engrais et pesticides provoque la pollution de l’environnement,
L’agriculture intensive ne s’intéresse qu’à une seule composante de la production – la production en grain, tandis que les paysans ont besoin de la paille pour
nourrir les animaux, pour la construction des cases, des clôtures, pour la fertilisation du sol.
Elle s’accompagne de réduction drastique de la biodiversité. Exemple, en Inde il existe certaines variétés paysannes du riz productives qui donnent des rendements
de plus de 4 t/ha.
Elle provoque la dépendance des paysans.
Les paysans considèrent que leurs variétés paysannes sont plus performantes que les variétés améliorées. Les variétés paysannes donnent des rendements stables
puisqu’elles sont basées sur les pratiques agro écologiques assurent la restauration et le maintien de la fertilité du sol.
Les variétés paysannes possèdent d’autres caractéristiques très intéressantes :
• Adaptation aux conditions locales. Grâce à la sélection menée inlassablement chaque année, génération après génération, les paysans ont produit des variétés bien
adaptées aux conditions de leurs zones de culture, conditions, souvent difficiles, à cause des problèmes de la sécheresse, problèmes de salinité du sol, etc.
• Adaptation à la réalité socio-économique. Les semences paysannes participent à la vie communautaire : cérémonies, rites, artisanat, art culinaire, médecine
traditionnelle, etc.
• Résistance à la sécheresse. L’agriculture familiale du Sahel est très vulnérable aux changements climatiques, notamment la sécheresse. Les variétés
traditionnelles sont plus résilientes aux effets du changement climatique que les variétés améliorées.
- Elles s’adaptent plus facilement aux changements du milieu à cause de leur hétérogénéité, et à cause de travail de sélection pour l’adaptation menée chaque
année.
- Par leur diversité, les variétés paysannes s’adaptent mieux aux changements environnementaux que les variétés améliorées homogènes. Il est bien connu que plus la
biodiversité d’un écosystème est importante, plus cet écosystème est résilient.
• Résistance aux maladies et parasites. Les variétés locales possèdent la résistance aux maladies et parasites des cultures, ce qui les contraste
avec les variétés améliorées qui, dans leur grande majorité, ne peuvent pas survivre sans traitements pesticides chimiques polluantes.
• Goût des variétés paysannes. Les variétés locales possèdent un bon goût, caractère important pour les paysans, mais trop difficile pour la recherche qui produit
les variétés au goût médiocre et qui d’ailleurs s’intéressent plutôt à la quantité qu’à la qualité de la production.
3. Le coût des semences.
Les coûts des semences améliorées et OGM sont élevés, cependant les semences paysannes ne sont pas chères, quand il s’agit de vente de semences entre les paysans.
La pratique principale de production de semences paysannes est l’autoproduction selon les traditions ancestrales améliorées, pratique très économique.
D'après les expériences de l'ASPSP, Association des producteurs des semences paysannes, Sénégal, et du COASP, Comité Ouest Africain des semences paysannes,
les producteurs des semences paysannes produisent des semences de bonne qualité. Il existe des techniques de production de semences paysannes bien élaborées et les paysans maitrisent ces
techniques. L’éclatant succès de Foires des semences paysannes, de plus en plus nombreuses en Afrique de l’Ouest, est la preuve de l’importance des semences paysannes pour la souveraineté
semencière et alimentaire.
Par Irina Vekcha, professeur de génétique à l’ENSA, Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture, Sénégal, spécialiste de sélection végétale et de semences.
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Irina Vekcha (lundi, 06 mai 2024 12:24)
Bonjour.
L.article comprends beaucoup de termes scientifiques ce qui le rend un peu difficile à comprendre aux paysans.
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